Histoires industrielles : Nantes

Le passé industriel des villes nous éclaire souvent sur ce qu'elles sont devenues aujourd'hui. Celui de Nantes a un goût amer puisqu'il s'agissait d'une des principales plaques tournantes du commerce triangulaire. Malgré ce poids, la ville des grandes biscuiteries françaises a parfaitement su orchestrer sa reconversion post-industrielle jusqu'à devenir une des plus attractives de l’Hexagone.
Le commerce triangulaire à l'origine de l'essor de la ville
Si Nantes est dès l’antiquité un port de commerce important, les différentes guerres de succession que connaît la ville au moyen âge freinent son essor. Le port de Nantes a alors une activité essentiellement constituée par l’export des vins de Loire et le commerce du sel. Louis XIV décide de dissoudre la compagnie des Indes occidentales en 1674 et favorise le port de Nantes en lui attribuant un rôle essentiel dans le commerce du sucre. En 1685, il promulgue le Code Noir dont l’objectif est d’organiser le trafic d’esclaves en provenance de l’Afrique vers les pays producteurs de sucre. Le port de Nantes fonde alors l’essentiel de son activité sur le commerce triangulaire.
Des navires sont envoyés en Afrique avec une cargaison d’armes et d’alcool. Les populations locales sont réduites en esclavage et sont alors dirigées vers les Antilles où elles sont forcées d’effectuer un travail agricole dans les champs de cannes à sucre. Les navires repartent ensuite en Europe chargés de sucre, de tabac, de café ou de cacao. Nantes devient, au XVIIIe siècle, le premier port négrier français devant ceux de Bordeaux et de La Rochelle. Le trafic d’esclaves ne prend fin qu’en 1831 et a fait, durant ce temps, la fortune de nombreux armateurs et commerçants nantais.
Le nègre de Surinam à Candide dans Candide, Voltaire, 1759
L’industrie du sucre
Au XIXe siècle, Nantes connaît un grand essor industriel. Elle est devenue un lieu propice à l’implantation de l’industrie agro-alimentaire mettant en oeuvre le sucre. En 1788, la ville compte onze raffineries qui emploient quatre-vingts ouvriers et raffinent 450 tonnes de sucre brut par an. Grâce à l’industrialisation des procédés, la production augmente considérablement pour atteindre 7000 tonnes en 1832. Cependant, l’abolition de l’esclavage qui coïncide avec un effondrement du cours de la matière première font que seules les raffineries les plus importantes sont encore en activité au milieu du XIXe siècle. Aujourd’hui, il ne reste que l'usine Tereos (ex Beghin-Say) sur la rive Sud pour témoigner de ce passé. Nantes est le lieu idéal pour produire des biscuits, très appréciés au XIXe siècle. La proximité immédiate de l’industrie sucrière limite le transport des marchandises. L’usine LU est la première à s’implanter en 1885, quai Baco. Elle est suivie par la Biscuiterie Nantaise (BN) en 1897 place François II.
Le comblement de la «Venise de l'Ouest»
La géographie de la ville au début du XXe siècle n’était pas la même que celle que nous connaissons à l’heure actuelle. On donnait à Nantes le surnom de «Venise de l’Ouest» en raison de l’omniprésence de l’eau qui séparait la ville en deux rives entrecoupées de deux îles : l’Ile Feydeau et l’Ile Beaulieu qui a été rebaptisée «Ile de Nantes» dans le cadre du projet d’aménagement actuel. Pour des raisons sanitaires mais aussi pour dégager de nouvelles voies de circulation pour le train et l’automobile, le maire de Nantes Paul Bellamy décide en 1926 d’engager d’importants travaux de comblement qui visent à remblayer deux bras de la Loire. Le projet est soutenu par les industriels et il est en grande partie financé par la chambre de commerce et d’industrie. Ils jouent un rôle clé dans le développement industriel de la ville. Cependant, les travaux sont plus compliqués à réaliser que ce qui était attendu et il ne s’achèvent réellement qu’en 1955.
De la reconstruction vers l'équilibre
Nantes a subi de nombreux bombardements alliés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ces bombardements qui visaient l’est de la ville ont en réalité touché une grande partie du centre-ville. Environ 700 immeubles sont détruits. Dès 1946, la ville de Nantes fait appel à trois architectes pour élaborer des projets de reconstruction : Michel Roux-Spitz, Le Corbusier et Jules Grandjouan. Le projet élaboré par Michel Roux-Spitz est retenu. Le projet de Le Corbusier, qui était de construire une Cité Radieuse au coeur de la ville, est rejeté. La Cité Radieuse est néanmoins construite à Rezé, dans la banlieue sud de Nantes entre 1947 et 1953. En 1963, Nantes est désignée, en association avec Saint-Nazaire, pour former une des huit Métropoles d'équilibre. Elle bénéficie directement de la politique de de décentralisation.
L'héritage industriel
Nantes dispose d’un important patrimoine industriel légué par des entreprises de secteurs aussi variés que l’agro-alimentaire, le textile, la construction navale ou la chimie. Comme cela arrive fréquemment, les usines autrefois présentes au cœur de la ville ont été déplacées à la périphérie dans les années 1970 et 1980. La manufacture de tabacs, le hangar à Bananes, les chantiers Dubigeon, l'Usine LU... Tous ces piliers de l'économie Nantaise ont connus des sorts divers mais ont au moins un point commun : ils ont bénéficié d'une reconversion dans le secteur des industries créatives.