Futur déménagement de Mains d’Œuvres : pourquoi est-ce une erreur stratégique

Cet espace de création et d’accompagnement des pratiques artistiques situé à Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis rencontre aujourd’hui d’importantes difficultés. Un point sur la situation qui menace l’établissement ouvert au public depuis 2001.
Mains d’Œuvres est un parfait exemple de friche industrielle reconvertie en lieu culturel et artistique. Inauguré en 1960, le bâtiment abrite jusqu’en 1991 le Centre Social et Sportif des usines Ferodo-Valeo. L’équipementier automobile quitte la région parisienne et cède cet imposant lieu de 4000m² à la ville de Saint-Ouen avec, en toile de fond, le scandale sanitaire lié à l’emploi de l’amiante sur ses sites de production.
Un projet culturel né du passé des lieux
Riche de cette histoire sociale rude dont les retentissements se font encore entendre aujourd’hui, l’association Mains d’Œuvres investit les lieux et tente de rendre son projet culturel accessible à l’ensemble des audoniens avec la bénédiction de la municipalité (PCF) de Saint-Ouen.
Outre les nombreux ateliers de création artistique qu’elle propose au grand public, l’association Mains d’Œuvres est aussi réputée pour l’organisation de soirées culturelles à thèmes. L’étrange disposition labyrinthique du lieu, sa décoration hors-d’âge et sa très large capacité d’accueil permettent presque toutes les extravagances. Les artistes programmés se situent aux confins de la pop-culture et des mouvements underground.
Une ambiance de lendemain de fête
Seulement, depuis quelques temps, c’est une ambiance de lendemain de fête qui vient plomber le quotidien des salariés et des bénévoles de l’association. Placée depuis fin 2014 dans une procédure de redressement judiciaire, elle doit faire face à d’importantes difficultés financières. De plus, suite aux élections municipales de 2014 qui ont mit un terme à 68 ans de règne communiste, Mains d’Œuvres ne peut plus compter sur le soutien de la municipalité qui, jusqu’alors, lui octroyait une subvention de 91 000€ par an et fermait temporairement les yeux sur ses nombreux loyers impayés…
L’actuel Maire (UDI) de Saint-Ouen, William Delannoy, ne cache pas son souhait, à terme, de réinvestir le bâtiment de la rue Charles Garnier pour y installer le conservatoire de la ville. S’il permet pour le moment à l’association d’occuper les lieux gratuitement, Mains d’Œuvres devra déménager.
Une perte d’attractivité pour la ville
De nombreux parisiens, autrefois réticents à franchir la barrière du périphérique, choisissent désormais de s’installer à Saint-Ouen en raison des prix de l’immobilier. Mais ce n’est, bien entendu, pas le seul critère d’attractivité de la ville. Accessible en métro, Saint-Ouen se détache progressivement des clichés liés à la banlieue nord-parisienne.
Sabrer l’offre culturelle de la ville, l’une des plus avant-gardistes des environs de la capitale, a un coût qu’il est impossible de mesurer sur le court-terme. Les ménages aisés qui arrivent de Paris, habitués à une offre de divertissements pléthorique, sont particulièrement sensibles à la diversité et à la qualité des spectacles proposés par leur ville. De plus, Mains d’Œuvres réalise pour les audoniens « historiques » un véritable travail de médiation culturelle par le biais des nombreux ateliers qu’elle organise. Pourquoi ne pas y implanter, en plus des résidences artistiques, une pépinière d’entreprises qui favoriserait le développement économique du territoire sur le modèle, par exemple, du 104 à Paris ?
A l’heure à laaquelle on ne compte plus les friches industrielles reconverties en lieux culturels, l’exemple de Saint-Ouen signifie peut-être la fin de l’âge d’or des territoires créatifs ?